Fin des combats – Novembre 1918
Les conditions de l’armistice, souhaité par les Allemands eux-mêmes auprès du Président Américain dès le mois de mars 1917, ont été arrêtées à la Conférence de Versailles dès le 4 novembre 1918. Ces conditions devaient être soumises aux dirigeants allemands. Ce sera chose faite à partir du 8 novembre1918. Les conditions selon lesquelles elles ont été transmises sont peu connues. Elles se sont déroulées, en partie, près de La Capelle, presque sous les yeux des nombreux habitants de Liesse et de Marchais qui étaient alors déportés à Fourmies. Le journal « Le Parisien », du dimanche 10 novembre, rapporte les faits que leurs correspondants ont pu suivre en direct. L’article paru en première page mérite à plus d’un titre, de retenir notre attention. En voici la teneur.
Entrevue historique des plénipotentiaires allemands avec le Maréchal Foch
… Sur la demande du Commandement Allemand, le Commandement Français avait fixé un itinéraire aux parlementaires allemands pour se présenter devant nos avant-postes le 7 novembre. Cet itinéraire était la route allant de Fourmies à La Capelle et à Guise et le point fixé pour la rencontre était un carrefour aux environs de cette dernière localité. L’entrevue devait avoir lieu de jour, mais le mauvais état des routes défoncées par les obus avait retardé l’arrivée des parlementaires. Dès cinq heures du soir, de puissants projecteurs et des phares avaient été mis en action pour indiquer de loin l’emplacement du carrefour. L’ordre de cessez-le-feu avait été donné sur un front de 2 kilomètres, de chaque côté de cette route, aussi bien du côté allemand que du côté français. Les parlementaires qui avaient pris place dans trois automobiles, n’avançaient que difficilement sur les routes. Ils étaient précédés par un groupe de pionniers allemands qui avaient pour mission de refaire les chaussées défoncées et de placer des claies en bois afin de permettre aux voitures d’avancer. Le travail fut lent et pénible et c’est à neuf heures et demie seulement que les parlementaires arrivèrent au lieu fixé pour le rendez-vous. Là, ils furent reçus par des officiers de l’Etat-major du Maréchal Foch qui les conduisirent directement au château de Francport, propriété du Marquis de L’Aigle, où des chambres leur avaient été préparées.
Le lendemain matin, 8 novembre, à la première heure, les mêmes officiers français guidèrent les parlementaires allemands à la station de Rethondes, en forêt de Compiègne, où se trouvait garé le train spécial du Commandement en Chef. Le Maréchal Foch reçut les parlementaires dans un wagon-salon. Les délégués anglais et américains étaient à ses côtés.
M. Erzberger, secrétaire d’état de l’Empereur d’Allemagne présenta ses collègues. Il déclara qu’il était envoyé sur ordre de l’Empereur, pour prendre connaissance des conditions de L’Armistice, mais qu’auparavant, il sollicitait une suspension d’armes. Le Maréchal Foch, qui se tenait debout devant le groupe, le document à la main, répondit à M. Erzberger que la suspension d’armes était prévue dans les conditions de l’Armistice et que l’Allemagne obtiendrait satisfaction aussitôt que ses délégués en auraient signé les clauses. M. Erzberger n’insista pas et le Maréchal Foch, d’une voix claire, en scandant bien les mots, donna lecture des conditions arrêtées à la Conférence de Versailles. Pendant cette lecture, les Allemands restèrent impassibles. A la fin, le Maréchal Foch remit le document à M. Erzberger, en lui accordant un délai de 72 heures pour l’étudier en détail et pour le signer. Les délégués s’inclinèrent devant le Généralissime et descendirent du wagon sans prononcer une parole. L’entrevue était terminée.
Les Allemands furent reconduits au château de Francport où ils délibérèrent entre eux pendant plus d’une heure. A la suite de cette délibération M. Erzberger pria un officier de l’état-major de se rendre auprès du maréchal Foch pour lui demander l’autorisation de laisser passer les lignes françaises à une estafette qui porterait une copie des conditions de l’Armistice au Grand Quartier Général allemand à Spa, en Belgique. L’autorisation fut immédiatement donnée et l’estafette partit en automobile accompagnée jusqu’aux avant-postes par un officier français.
Dans le courant de l’après-midi, on vit avec surprise, revenir aux avants postes français, l’automobile allemande et l’estafette. Conduit aux autorités militaires, le porteur du document déclara qu’il n’avait pu remplir sa mission car tous les ponts jetés sur la Meuse avaient été détruits ; de plus, il s’était trouvé en pleine bataille dans la zone non concernée par le cesser le feu temporaire et dans l’impossibilité de continuer son chemin. Aussitôt informé de l’incident, le Maréchal Foch fit demander à l’estafette si elle consentirait à se rendre à Spa à bord d’un aéroplane français. L’estafette accepta et une heure plus tard, on vit un aéroplane aux cocardes tricolores et muni d’un large drapeau blanc qui flottait à l’arrière, s’élever rapidement, traverser nos lignes et prendre résolument la direction du nord-est. Cet oiseau de France allait porter, aux allemands en retraite, les conditions de l’Armistice sollicité par eux et mettant fin à la guerre qu’ils nous avaient imposée.
- L’attitude des Allemands pendant la lecture des conditions de la Conférence de Versailles montre bien que ceux-ci n’admettaient pas la défaite et surtout les conditions de l’Armistice qu’ils considèreront toujours comme un « diktat ». Ceci n’a pas échappé aux journalistes. La future guerre de 39-40 trouve ici une de ses premières justifications.
- Le wagon, considéré comme le témoin humiliant de cette défaite sera réutilisé par Hitler les 21-22 juin 1940 à titre de revanche, pour y faire signer l’Armistice au Maréchal Pétain.
Et dans les jours qui suivirent ce wagon, récupéré par les Allemands, fut emporté à Berlin. Les SS le feront sauter en 1944 à Orhdurf (Thuringe).
- Celui existant aujourd’hui n’est qu’une reproduction.
( L’armistice n’est qu’un arrêt des combats : la Paix ne sera signée qu’au traité de Versailles le 28 juin 1919)
Transcription de Jean PESTEL - Novembre 2018