Le point de vue du généalogiste
Jeanne d'Arc ou Jeanne Darc ?
Ces deux graphies ont donné lieu à de nombreuses controverses entre historiens.
Le nom de « Arc » n'aurait été porté que par elle, son père Jacques et son frère Jacquemin et se serait éteint avec eux car, en effet les autres membres de la famille ont été anoblis en 1429 sous le nom de « du Lys » et leurs descendants sont à rechercher sous ce nom.
Les membres connus de sa famille :
- Jacques ou Jacob d'Arc, le père de Jeanne (1370-1431), était un cultivateur aisé. Il était l'époux d'Isabelle Romée. Il fut anobli en 1429. Après le départ de Jeanne de Domrémy, Jacques ne revit sa fille qu'une fois, au Sacre de Charles VII à Reims.
- Jacquemin, le fils aîné et frère de Jeanne, est mentionné personnellement dans l'acte d'anoblissement de sa famille en 1429.
- Jean d'Arc né vers 1400 ou 1408, deuxième fils de Jacques, rejoignit sa sœur Jeanne à Tours en Août 1429 et l'accompagna dans toutes ses opérations militaires jusqu'à sa capture par les Anglais à Compiègne en 1430. Il participa activement à son procès de réhabilitation (1435), puis il fut nommé bailli du Vermandois - Liesse et Marchais faisaient alors partie du baillage de Vermandois -, ensuite il fut nommé capitaine de Vaucouleurs et, en 1456, Prévôt de Vaucouleurs. Il eut au moins une fille qui porta, bien sûr, le nom de Marguerite du Lys. Jean est décédé vers 1470 ou 1476.
- Pierre d'Arc, le troisième fils de Jacques (né vers 1406 ou 1411) est décédé à Bagneaux en 1466 ou 1467. Comme Jean, il combattit aux cotés de sa sœur de 1429 à 1430 et fut fait prisonnier sous les murs de Compiègne. Il participa également au procès de réhabilitation puis se retira à Bagneaux.
On ne sait pas grand-chose de la fille Catherine.
Jeanne est née très probablement le 6 janvier 1412. Elle fut brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431.
Il fallut attendre le XIXème siècle pour que l'Eglise la reconnaisse vraiment.
Le culte de Jeanne d'Arc
L'église de Marchais recèle une très belle statue de Jeanne d'Arc en armure et, de 1919 à 1924, un portrait de Jeanne, aujourd'hui disparu, remplaça le vitrail cassé au centre du chœur.
Jeanne était venue à Reims pour le Sacre de Charles VII, les 16 et 17 juillet 1429, ensuite, elle remonta par Corbeny pour accompagner le Roi au tombeau de Saint Marcoul où il venait puiser son pouvoir de guérir des écrouelles. Ensuite, elle repartit par Cerny et Vailly. Le 23 Mai 1429, Jeanne est capturée devant Compiègne par le bâtard de Wandonne qui la remet à Jean de Luxembourg. Prisonnier de guerre, elle est enfermée à Beaurevoir, près de Saint Quentin, de Août à Novembre 1429, pendant les tractations qui la feront vendre aux Anglais pour 10 000 écus. Elle essaya bien, un jour, de s'évader de sa prison, mais une blessure à la cheville la fit reprendre.
Après son procès, son frère Jean d'Arc fut bailli du Vermandois, baillage dont dépendait Marchais et Liesse.
Mais la cause de la présence de statues et de tableaux de Jeanne n'a rien à voir avec tout cela ; la raison en est beaucoup plus proche de nous.
Après la période révolutionnaire, années sombres pour l'Eglise, le renouveau de la religion fit se développer de nouveaux cultes. Ceux liés notamment à la dévotion mariale comme l'Immaculée Conception, la Vierge de la Médaille Miraculeuse, Notre-Dame de Lourdes, Notre-Dame des Victoires et le renouveau de dévotions plus anciennes comme le Sacré Cœur de Jésus, Saint Joseph ou Saint Antoine de Padoue entraînent une multiplication de ces représentations, aussi bien d'ailleurs dans le domaine du vitrail que dans celui de la statuaire. L'église de Marchais n'a pas échappé à ce phénomène, statues et vitraux sont là pour en témoigner.
Le développement du culte de Jeanne est particulièrement significatif de cette évolution. Celui-ci est l'objet d'une lutte entre l'Eglise et la République qui tentent, l'une et l'autre, de récupérer à leur bénéfice sa popularité.
En effet, après la guerre de 1870 et l'annexion de l'Alsace - Lorraine, Jeanne d'Arc devient le symbole de la reconquête nationale, aussi les députés déposent-ils une proposition de loi visant à instaurer une seconde fête nationale patriotique :
« Jeanne la Lorraine est le symbole de la faiblesse au service du droit, triomphant de la force à la solde de l'injustice. A ce titre elle mérite de devenir la seconde patronne de ceux qui, chez nous, ne désespèrent pas de reconquérir les libertés politiques des deux provinces sœurs », peut-on lire dans ce projet de loi.
Mais l'Etat sera pris de vitesse par l'Eglise qui béatifiera Jeanne dès 1909 et la canonisera en 1920. Les images de Jeanne d'Arc envahiront les églises avant les places publiques !
Origine du monument de Jeanne d'Arc à Liesse
La ville de Liesse Notre-Dame a une place au nom de Jeanne d'Arc, place qui présente une statue de la Sainte. Voici en quelques lignes les circonstances de l'érection de cette statue.
Première guerre mondiale, 1914-1918.
A quelques kilomètres seulement au pied du Chemin des Dames, les Allemands s'installèrent à Liesse et au château de Marchais dès le mois de novembre 1914 et ce, jusqu'en octobre 1918. Les circonstances et les dures conditions de vie sous l'occupation militaire feront ressentir encore plus fortement ce besoin de reconquête nationale cité précédemment. En 1917, lorsque les habitants de Liesse furent menacés d'être évacués, ils firent le vœu d'ériger un monument à cette guerrière libératrice que l'Eglise venait tout juste de béatifier en 1909. Presque toutes les familles de Liesse signèrent cet engagement et l'autorité municipale de l'époque le ratifia et l'approuva pleinement (sans, toutefois, oser l'écrire dans le registre des délibérations qui était contrôlé par les Allemands).
Aussi, lorsque, le 16 octobre 1918, le 48° Bataillon de Chasseurs à Pieds libéra notre ville, exauçant ainsi les vœux des paroissiens, le projet prit-il corps sous la forme d'une souscription publique.
Le curé de Liesse, P. de Parvillez entreprit toutes les démarches nécessaires à la matérialisation de ce projet. La statue installée sur son grand socle fut inaugurée le 8 mai 1921. Mais, entre-temps, Jeanne avait été canonisée, en 1920, aussi ce socle portera-t-il la mention « Sainte Jeanne d'Arc ». Le curé demanda par la suite à la Municipalité l'autorisation de « transformer la place Auguste Lecygne » en une sorte de petit square avec la plantation de quelques arbres et la pose de quelques bancs qui seront très appréciés par les pèlerins (sa lettre du 8 Janvier 1921au Maire de Liesse).
En novembre 1918, lorsque le 48° BCP fut revenu en repos à Liesse, la population lui manifesta sa reconnaissance pour avoir libéré la ville et promit d'ériger une plaque commémorative à la mémoire du bataillon. Cette promesse a été dûment enregistrée dans le « Journal de Marche Officiel du Bataillon ».
Au moment de l'érection de la statue, en 1921, quelqu'un rappela cette promesse ; aussi profita-t-on de la place disponible sur le socle pour y faire figurer cette trace du passage du 48° B.C.P. et sa participation à la libération de Liesse.
C'est pourquoi l'on peut lire au dos de cette statue cette inscription lapidaire :
Délivrance
de N-D de Liesse,
16 octobre 1918,
par le 48° B.C.P.
Voir photo du socle de la statue
Cette statue, en fonte moulée semble-t-il, ne porte pas le nom de son auteur
ni des ateliers qui l'auraient fondue.
EXTRAIT DU JOURNAL « LES TABLETTES DE L’AISNE »
N° 1022 DU DIMANCHE 1ER MAI 1921
Programme de la Fête organisée dans le cadre de la Journée Nationale de Sainte Jeanne d'Arc
Notre-Dame de Liesse
8 mai 1921
Première Fête Nationale de Jeanne d'Arc
à 15 h
Grand Cortège Historique
représentant les principaux événements
de la vie de Jeanne d'Arc
premier groupe | Jeanne enfant entourée des bergères, ses compagnes. |
deuxième groupe | Jeanne écoutant les voix. |
troisième groupe | Jeanne à Chinon à la Cour de Charles VII |
quatrième groupe | Jeanne d'Arc à cheval entre à Orléans suivie de La Hire, Xaintraille, Dunois et du groupe de ses soldats. |
cinquième groupe | Jeanne d'Arc prisonnière est livrée aux Anglais, enfermée dans une cage de fer. |
sixième groupe | Jeanne est condamnée au bûcher où elle doit mourir martyre pour Dieu et la France. |
septième groupe | Jeanne d'Arc, unissant tous les Français, nous obtient la Victoire et nous rend l'Alsace et la Lorraine. |
huitième groupe | Jeanne d'Arc canonisée par l'Eglise devient la Sainte de la Patrie et la Protectrice de la France. |
Le cortège parcourut les rues de Notre-Dame de Liesse.
Sur la place de l'Hôtel de Ville, arrêt du cortège.
- Tableaux vivants / Retour à la statue de Jeanne d'Arc.
- Inauguration de la statue.
- Cantate à Jeanne d'Arc.
- Te deum à la basilique.
- Le soir : illuminations, feux d'artifice.
EXTRAIT DU JOURNAL « LES TABLETTES DE L’AISNE »
N° 1024 (NUMERO DOUBLE) DES DIMANCHES 8 & 15 MAI 1921
Compte rendu de la Fête de Jeanne d'Arc, organisée à Liesse
Liesse, le 8 mai 1921
De notre correspondant :
Liesse a vécu, le 8 Mai, la vie de Jeanne d'Arc, par un cortège historique qui, malgré l'incertitude du temps, avait amené dans la paisible commune une grande quantité de personnes dont beaucoup par les routes des communes avoisinantes. Liesse avait revêtu pour la circonstance le pavoisement et la décoration des façades - certaines avaient même un cachet spécial avec la verdure qui en faisait ressortir les couleurs.
Vers 3 heures, la foule se portait sur la Place de l'Hôtel de Ville et la rue de Montcornet où avait lieu le départ du cortège historique auquel s'est jointe la municipalité. Les pompiers assuraient le service d'ordre dans chaque groupe. C'est ainsi que par la rue de Marchais le cortège s'est déroulé vers l'Hôtel de Ville où une estrade avait été montée. Les principaux figurants du cortège y interprétèrent par groupe des chants avec tableaux vivants depuis Jeanne enfant jusqu'à l'époque où Jeanne d'Arc, canonisée par l'Eglise, devint la Sainte de la Patrie et la Protectrice de la France. Puis, par la Place Bailly et la rue de Laon, le défilé gagna la Place Lecygne où a eu lieu l'inauguration de la statue de l'héroïne nationale.
Au milieu d'un parterre de myosotis et de lilas se dresse un piédestal en pierre blanche avec l'inscription suivante en lettres dorées :
A Sainte Jeanne d'Arc
Libératrice de la France
Monument érigé par souscription publique
8 Mai 1921
délivrance de Notre Dame de Liesse
16 octobre 1918
par le 48° BCP
vœu des habitants durant la guerre
1914-1918
Lorsque le voile recouvrant la statue est enlevé, la cantate à Jeanne d'Arc est entonnée. Puis le cortège regagne la basilique trop petite pour recevoir la foule qui vient, par sa présence, fêter la sainte de France et entendre le « Te deum » solennel et recevoir la bénédiction du Saint Sacrement. D'une parole chaude, Mr le curé remercie les membres de la Municipalité, les habitants qui se sont dévoués pour l'organisation de cette belle fête et en renouer plus que jamais les liens sacrés. Remerciements aux personnes qui ont prêté leur concours pour la figuration dans le cortège. Remerciements particuliers aux hommes qui ont revêtu le costume des soldats de Jeanne d'Arc. Plusieurs ont été les soldats de la Victoire autrement dit « les poilus de nos jours ». Merci enfin aux personnes venues encourager les efforts de ceux à qui nous devons cette magnifique journée nationale et prier en invoquant l'Héroïne Guerrière pour que la destinée de la France soit toujours celle d'un peuple épris des plus généreux sentiments.
EXTRAIT DU JOURNAL « LES TABLETTES DE L’AISNE »
N° 1023 DU DIMANCHE MAI 1921
Dans le cadre de la Journée nationale consacrée à Jeanne d' Arc, le journal consacre presque toute sa première page à raconter la vie de Jeanne et surtout son passage à Reims et à Corbeny où elle accompagna Charles VII venu y quérir, auprès de Saint Marcoul, son pouvoir de guérir les écrouelles.
On note de nombreuses cérémonies identiques à celle de Liesse, mais plus particulièrement à Laon, à Corbeny et à Beaurevoir où Jeanne d'Arc a été longtemps prisonnière.
Celle de Beaurevoir organisée sous le haut patronage du Ministre de la Guerre, du Conseil Général et du Préfet de l'Aisne accueillait les Ambassadeurs d'Angleterre et de Belgique. Les combattants avaient été spécialement invités à la cérémonie menée par Gabriel Hanotaux, de l'Académie Française.
(Jean PESTEL)