Inauguration d'une rue Gaston de Chomereau à Liesse

Le 18 octobre 2014, la population de Liesse réunie autour de la municipalité inaugurait une rue au nom du Commandant Gaston De Chomereau de Saint André qui, les 15 et 16 octobre 1918, libérait la ville de Liesse par un audacieux coup de mains.

« Cette commémoration faite en présence de ses deux petits enfants et arrières petits enfants, commémoration qui vient s’inscrire dans le cadre du centenaire de la guerre de 14-18,  n’est pas une manifestation de nostalgie mais un rappel des épreuves qu’ont endurées nos anciens. Elle est une bonne occasion de saluer la mémoire d’un Bataillon et de leur Commandant, un couplé où l’un ne serait rien sans l’autre, qui a œuvré à la libération de Liesse en octobre 1918.

Parmi les chasseurs, caporaux et sous-officiers, ce bataillon a compté 511 tués, 155 disparus et, parmi les officiers ,10 tués et 1 disparu, c’est donc 677 hommes qui ont trouvé la mort tout au long de ce conflit et sur tous ses théâtres d’opération, depuis les Vosges jusqu’à la Mer du Nord, en passant par Verdun, la Meuse, le Chemin des Dames, Lassigny, le Kemmel. Rien que pour la libération de Liesse, le bilan se monte à 6 tués et 10 blessés ! Ceux qui ont tout quitté pendant 4 ans pour défendre notre patrie dans les pires conditions et tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous retrouvions une liberté si longtemps confisquée sont en droit d’attendre, de notre part, une légitime reconnaissance, toute aussi partielle et tardive soit-elle !

Cette manifestation prend aujourd’hui une dimension bien particulière.

  • D’abord parce qu’elle va permettre de réaliser, 100 ans après, une promesse faite à un régiment, promesse dûment enregistrée dans le Journal de route officiel du 48° BCP mais promesse qui n’a été que partiellement réalisée dans les tourbillons de l’après guerre. En effet, si le 48° BCP a bien hérité d’une mention lapidaire au dos du monument de Jeanne d’Arc, le nom de son Commandant, par contre, n’apparaît nulle part. Or, l’un n’est rien sans l’autre, le Bataillon pour sa bravoure et son Commandant, pour son allant et son audace (audace qui lui a valu, d’ailleurs, une citation particulière pour Liesse).
  • Ensuite, parce que cette commémoration est rendue possible par l’opportunité du changement de nom de la Rue de la Poste qui se situe dans ce vieux quartier de Liesse. Et c’est justement là que le Commandant s’était installé, en octobre 1918, à la libération, puis au cours du repos de fin de combat, du 18 novembre au 4 décembre 1918, à la « Villa des Roses ».

Le choix de cette rue prend ainsi toute sa valeur de symbole dans notre Histoire.

Cette manifestation a encore une résonance particulière 

  • parce que nous avons le plaisir de trouver aujourd’hui, à nos côtés, les petits enfants et arrière petits enfants du Commandant De Chomereau qui ont tenu à marquer, de leur présence, cet ultime hommage à leur ancêtre.

Je fais ici un bref retour sur ce 8 août 2006, jour où j’ai croisé Tristan De Chomereau, près de la basilique. Il cherchait vainement une plaque ou une inscription à la mémoire de son grand-père. 

Je comprends qu’il ait pu être un peu déçu, voire chagriné, de ne trouver personne, à Liesse, pour lui parler de son grand père ou du passage de son régiment. Lorsque je lui ai avoué que nous ne connaissions, en fait, rien sur les conditions de libération de Liesse, il m’a aussitôt proposé de me communiquer les notes de son grand père, écrites dans le feu de l’action, au jour le jour, tout au long de la marche de son régiment. 

Je remercie donc tout particulièrement Tristan de Chomereau sans qui, cette manifestation n’aurait sans doute jamais eu lieu. C’est grâce à son pèlerinage sur les traces de son grand-père que nous avons pu redécouvrir une page de notre passé - page que l’évacuation totale de la population dès le 10 octobre 1918, avant l’attaque décisive, et l’usure sacrilège du temps avaient fait sortir de la mémoire collective. 

Peu de gens ont aujourd’hui connaissance de cette simple et unique phrase souvenir dont je parlais tout à l’heure, gravée en 1924 au dos de la statue de Jeanne d’Arc, - phrase qui commémore l’action du 48° B.C.P., venu mettre fin à 1503 jours d’une occupation allemande qui, sans avoir eu la même importance, la même âpreté, la même sauvagerie que dans les zones de combats intenses de la Somme, de Verdun ou du Chemin des Dames, a pourtant laissé, longtemps, de tristes souvenirs aux populations de Notre Dame de Liesse et des villages environnants !

J’espère que votre présence nombreuse aujourd’hui, réconfortera amplement Tristan, son frère, ses neveux et nièces, et toute sa famille, pour cet oubli dont nous avions hérité.

Peut-être y aura-t-il, parmi vous, quelques chercheurs curieux qui essayeront de retrouver notre histoire sur Internet. Seul, le Journal de Marche Officiel du Bataillon (en abrégé : J.M.O.) nous donne quelques lignes laconiques sur la libération de Liesse. Mais on peut y voir inscrit en toute lettres, à la page 27, la promesse faite par la Municipalité de Liesse, d’apposer une plaque commémorative au nom de ses libérateurs.

Voilà, ce sera aujourd'hui, enfin, chose faite dans sa totalité ! La municipalité d'aujourd'hui s'étant emparé du passé pour le transmettre au futur. »

Gaston Marie-Joseph de Chomereau de Saint-André

Né le 5 décembre 1879 à Buxières-d'Aillac (Indre), décédé le 15 juin 1966 au château d'Aillac.

Fils du Général de Division de Chomereau, Gaston entame une carrière militaire en entrant à Saint–Cyr en 1899. En 2 ans, il y franchira tous les grades, de caporal à sergent-major. Il sort de cette école, le 1er octobre 1901, avec le grade de sous-lieutenant et il sert au 13° Bataillon de Chasseurs Alpins où il obtient les galons de Lieutenant en 1903. Le 29 mars 1914, il est nommé à la tête du 149° Régiment d’Infanterie, régiment avec lequel il entre dans le conflit de 1914-1918. Son baptême du feu se fait avec ses premiers affrontements à la limite des Vosges, au Col de Sainte Marie aux Mines où, dès le 9 Août 1914, il conduit brillamment sa Compagnie à l’assaut des tranchées ennemies fortement organisées.
Le 21 août 1914, il se fait déjà remarquer par son attitude énergique et sa bravoure au combat. Le 28 août 1914, à Rambervillers, près de Baccarat, il est grièvement blessé à l’épaule droite par un éclat d’obus. Gaston de Chomereau n’attendra pas sa guérison définitive pour demander à rejoindre son régiment et repartir au combat (ces faits lui ont valu d’être cité au tableau d’Honneur du Journal « L’Illustration » pendant la Guerre).
On le retrouve à Lorette, près de Lens, dans le Pas de Calais, puis à Verdun où, le 9 mars 1916, avec son bataillon, il reprend, malgré un feu violent de mitrailleuses, une partie du village de Vaux qu’il réorganise défensivement. Ces faits lui valent, le 3 mai 1916, une nomination au titre de Chevalier de la Légion d’Honneur et l’attribution de la Croix de Guerre avec palme et une étoile de Bronze. Il revient ensuite au Chemin des Dames où, du 31 mars au 5 avril 1916, dans un secteur particulièrement dangereux, il se dépense sans compter pour la défense et l’organisation de sa position sous des bombardements des plus violents.
En avril 1918, il prend la tête du 48° Bataillon de Chasseurs à Pied avec lequel il participe, en avril 1918, aux âpres combats du Mont Kemmel, en Belgique, puis il revient dans l’Oise, entre Compiègne et Saint Quentin. Là, son bataillon se fait encore remarquer à Lassigny, le 10 août 1918 – ce qui lui vaudra une première Citation au titre de l’Armée – puis à Guivy et Ugny-le-Gay, près de Guiscard, au sud de Ham où le 31 août et le 6 septembre 1918, il reprend deux villages et repousse l‘ennemi au-delà du canal de Crozat.
Transporté dans l’Aisne, près de Chassemy, à la fin septembre 1918, le Commandant de Chomereau va participer, avec la 121° Division d’Infanterie, à la marche libératrice qui va les mener de Ostel et Vailly  jusqu’à Revin, dans les Ardennes, où il se trouve le 11 novembre 1918 à l’heure de l’Armistice.
C’est au cours de ce périple que, de son P.C. de Gizy, il constate la stagnation de l’avance des troupes françaises et l’échec de plusieurs offensives dans notre secteur. « Avec son allant et sa crânerie – comme écrivaient ses supérieurs –  », il demande l’autorisation à ses chefs, de le laisser tenter un « coup de mains » à sa façon pour attaquer les arrières gardes allemandes déployées autour de Liesse. Cette attaque, menée à bon terme, vaudra au 48° B.C.P.  et à son commandant, une troisième citation à l’ordre de l’Armée.
Achevant le parcours libérateur devant Rocroi, le 11 novembre 1918, Gaston De Chomereau reviendra à Liesse pour un repos d’une dizaine de jours avant de regagner l’Allemagne avec son régiment qui y sera dissous en mars 1919. 
En 1919, il entre à l’Ecole de Guerre. Il en sort Chef d’Etat Major de la 36° Division d’Infanterie, puis il commande le Régiment du Bas-Rhin (le 72° R.I.F.) de 1935 à 1938.
Il est promu Général le 5 décembre 1938.
En décembre 1939, il commande la subdivision de Seine-et-Oise dont le QG est à Versailles.
Le 13 juin 1940, le général Héring, commandant Paris, le charge de replier 4 régiments régionaux et les dépôts du département – soit environ 25 000 hommes.
Il est arrêté par la Gestapo en août 1943 et interné en Allemagne de Août 43 à février 1944.
Après la guerre, il devient Président des Anciens Combattants du département de l’Indre.
Il terminera ses jours au château d’Aillac où il décédera le 15 juin 1966.

Au chapitre des décorations, il avait obtenu la Médaille Commémorative Française de la Grande Guerre et la médaille interalliée dite « Médaille de la Victoire ». Il faut ajouter sa promotion au grade d’Officier de la Légion d’Honneur, le 16 juin 1920, puis celle de Grand Officier de la Légion d’Honneur, en 1953.

Tous nos remerciements vont à Tristan de Chomereau pour les documents et photos de son grand-père que nous mettons à l’Honneur ici même aujourd’hui. Nous lui devons encore un merci supplémentaire pour nous avoir permis de diffuser ces documents sur notre site Internet.

 

(Jean PESTEL - Octobre 2014)